Longtemps cantonné au statut d’instruction technique, le prompt devient aujourd’hui un véritable actif créatif. Avec l’essor des IA génératives, chacune de ces phrases soigneusement construites concentre savoir-faire, intention et méthode. Mais dans un univers où tout se copie à la vitesse de la lumière, une question s’impose : faut-il protéger les prompts comme on protège les œuvres ?
Depuis l’explosion de ChatGPT, Midjourney et des IA d’image ou de texte, une nouvelle forme d’expression apparaît : celle du prompt. Pour les créateurs, les freelances, les designers ou les marketeurs, ce n’est plus un simple ordre. C’est une compétence. Une signature. Parfois même, une recette.
« Un bon prompt, c’est comme une formule magique », résume un designer indépendant rencontré lors d’un salon professionnel. Ce n’est pas l’outil qui fait la différence, mais la manière de le guider.
Or, derrière ces instructions se cachent souvent des heures d’essais, de paramétrages et d’ajustements. De quoi éclairer un débat brûlant : qu’est-ce qui différencie un prompt d’un texte protégé par le droit d’auteur ?
Le droit n’a pas encore rattrapé la technologie. Aujourd’hui, un prompt n’est en principe pas protégé par le droit d’auteur, sauf s’il est suffisamment long, original et marqué par la personnalité de son auteur.
Cela exclut la grande majorité des prompts utilisés au quotidien. Pourtant, certains — complexes, scénarisés, conçus pour générer un rendu unique — se rapprochent d’un script ou d’une procédure créative.
Dans les cabinets d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle, les questions affluent :
Un prompt peut-il être assimilé à un logiciel ? À un texte littéraire ? À une base de données ?
Réponse courte : rien n’est tranché.
Réponse longue : le sujet pourrait bien devenir l’une des grandes batailles juridiques des années à venir.
Si la question importe autant, c’est que le prompt est devenu une ressource monétisable.
Dans les cercles de créateurs, certains se vendent déjà plusieurs centaines d’euros. D’autres circulent sous le manteau, recopiés, « reverse-enginés » ou volés.
Les plateformes d’IA commencent, elles aussi, à identifier la valeur stratégique des prompts : optimisation de workflows, génération automatisée de visuels, reproduction d’un style ou d’un ton particulier.
Autrement dit : le prompt est en train de devenir un capital immatériel, au même titre qu’un savoir-faire artisanal ou qu’un procédé technique.
Faute de cadre juridique clair, les créateurs s’organisent. Plusieurs stratégies apparaissent :
Ne pas divulguer les prompts les plus sensibles. Les stocker en interne. Limiter leur accès.
C’est aujourd’hui la protection la plus solide.
Déposer le prompt — même non protégé — permet de prouver qu’on en est l’auteur en cas de litige. L’approche rassure de plus en plus de freelances.
Dans le monde du design ou du développement, les contrats évoluent.
On y voit apparaître :
– des clauses de non-divulgation,
– des précisions sur la cession ou non-cession des prompts,
– des restrictions d’usage.
« On signe aujourd’hui ce qu’on signait hier pour les codes sources », résume un avocat spécialisé.
Plusieurs juristes plaident déjà pour un statut hybride, entre œuvre littéraire, algorithme et procédure.
L’Union européenne suit le dossier, tout comme certains États américains.
L’idée d’une nouvelle catégorie de propriété intellectuelle, adaptée à l’ère de l’intelligence artificielle, fait son chemin — même si aucun calendrier n’est annoncé.
Ce qui est certain, en revanche, c’est que la pression monte :
Les prompts deviennent une ressource économique.
Les créateurs s’en servent pour produire des œuvres.
Les entreprises les intègrent dans leurs processus internes.
Un cocktail explosif qui pousse naturellement à une future régulation.
Dans un monde où chacun peut générer un texte, une image ou une vidéo en quelques secondes, la rareté se déplace.
Elle ne réside plus dans l’œuvre produite… mais dans la manière de la produire.
Le prompt devient alors la nouvelle pierre angulaire de la création numérique.
Un outil invisible, mais déterminant.
Un savoir-faire qui mérite, à minima, d’être reconnu.
Et très probablement, demain, d’être protégé.
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